Articles du journal Le Monde

Après avoir prêté serment, dimanche 12 mai, lors d'une cérémonie populaire, à Kampala, le président Yoweri Museveni a célébré son élection, en compagnie de chefs d'Etat de la région et de 7 000 invités, dans les jardins de l'Hôtel du Nil. On ne pouvait trouver lieu plus symbolique que pour une "fête de la démocratie", les caves de cet établissement de luxe - aujourd'hui entièrement rénové - ayant servi, entre 1971 et 1985, de chambres de torture aux régimes d'Idi Amin Dada et de Milton Obote.

Obtenue avec 74,2% des voix, la victoire de M. Museveni est incontestable, même s'il s'est servi des moyens de l'Etat pour sa campagne. Paul Ssemogerere, son principal rival, n'a réuni que 23,7% des suffrages. La participation à cette première élection présidentielle au suffrage universel, dans l'histoire de l'Ouganda, a été de 72,6%. Comme prévu, M. Museveni remporte la quasi-totalité des votes dans l'Ouest, sa région natale, mais aussi les trois quarts des suffrages dans l'Est où les estimations ne lui en donnaient que 50%.

Plus surprenant encore, 75% des voix dans le Bouganda, au centre du pays, ne se sont pas portées sur M. Ssemogere, l'enfant du pays, alors que le président sortant y était l'objet d'un mécontentement grandissant. La faute de M. Ssemogere a été de s'allier avec les partisans nordistes de l'ancien président Obote, dont les soldats ont laissés de terribles souvenirs, au début des années 80, parmi les Bagandas. Seul, le Nord a voté - à 75% - pour l'opposition.

Entré en vainqueur à Kampala, en janvier 1986, à la tête des forces rebelles, M. Museveni, âgé de cinquante-deux Ans, est enfin légitimé par les urnes. Ses priorités seront, dit-il, de "continuer la modernisation" de son pays qui réalise quelques-unes des meilleures performances économiques du continent noir, selon les critères de la Banque mondiale.

Quant à la guérilla qui sévit dans le Nord, le président répète qu'il est décidé à l'écraser. Mais il a déclaré, dimanche, qu'il laissera les anciens des clans de l'ethnie acholi, majoritaire au Nord, engager un dialogue avec les chefs de l'Armée de résistance du Seigneur, précisant: "On verra bien laquelle des deux solutions réussira!"

Au sujet de la restauration en bonne et due forme du multipartisme qui devrait être soumise à référendum dans deux ou trois ans, il estime que l'Ouganda ne sera pas vraiment prêt pour le pluralisme politique "avant dix ou quinze ans". Il faut dire que le système des partis, instauré dès l'indépendance, a débouché sur quinze ans de sanglante dictature.

La patience du juge Halphen est récompensée. Le juge d'instruction de Créteil, qui enquête depuis deux ans sur une réseau de fausses factures mis en place autour de l'office HLM de la Ville de Paris et sur les conditions d'attribution, par cet office, de certains marchés publics, vient de recevoir des documents transmis par la justice suisse, en réponse à une commission rogatoire internationale délivrée le 12 mai 1995.

Les investigations menées par le juge genevois Claude Wenger précisent la piste d'un financement politique occulte au profit du RPR, avancée dès les prémices de l'affaire. Elles établissent que le promoteur Jean-Claude Méry, ancien membre du comité central du RPR, a perçu, sur un compte suisse, plusieurs millions de francs, de commissions, versées par des entreprises en échange d'interventions en leur faveur auprès de l'office HLM de Paris. Le 7 mai, Le Canard enchaîné avait indiqué que cette commission rogatoire internationale avait été reçue par la voie diplomatique le 16 avril. De là, les pièces ont été transmises à la chancellerie, puis au parquet général de Paris, et enfin, le 6 mai, au procureur de Créteil, qui les a remises au juge Halphen.

Dans sa demande, M. Halphen estimait à 36 millions de francs le montant des commissions occultes encaissées par M. Méry. Pour accueillir ces fonds, ce dernier s'était adressé à une société fiduciaire de Genève, dénommée Gestoval. C'est ce cabinet d'experts en montages financiers qui devait ouvrir et gérer pour lui les comptes ouverts dans plusieurs banques au nom d'une société panaméenne spécialement créée le 10 octobre 1990 et baptisée Farco Enterprise.

"La société Farco a été créée à la fin de 1990 pour les besoins de M. Méry, a ainsi reconnu devant le juge Wenger le directeur de Gestoval, Robert Niestle, le 20 juin 1995. Nous savions qu'il était membre de l'appareil du RPR. Il avait probablement besoin de cette société pour faire du financement politique, c'est ce qu'il nous a dit à Gestoval." Questionné par le magistrat suisse, le responsable du département "Gestion" de la société fiduciaire, Maurice Giriens, précisait : "Le compte Farco auprès de l'Union de banques suisses (UBS) était alimenté par des versements d'ordre du mandant [Jean-Claude Méry]. Des opérations de retraits étaient effectuées, presque essentiellement en "cash", surtout sur instructions téléphoniques de M. Méry, et les fonds étaient remis sur son ordre à une ou des personnes s'identifiant par mot-code et se présentant à la fiduciaire. Je précise que ces personnes ne déclinaient pas leur identité. Si mes souvenirs sont exacts, il s'agissait de sommes allant de 100 000 à 200 000 francs suisses, à l'exception d'une ou deux opérations plus importantes dont je ne me souviens plus du montant. Ces transactions ont dû être effectuées avant 1993."

Les élections générales qui viennent d'avoir lieu en Inde ont permis au Bharatiya Janata Party, connu pour son nationalisme hindou, de devenir le premier parti à la Lok Sabha, la Chambre basse du Parlement. Cette formation confirme ainsi sa montée en puissance : de 2 sièges en 1984, elle était passée à 85 en 1989 puis à 121 en 1991.

Son succès ne doit cependant pas être exagéré : le BJP a largement bénéficié des faiblesses de ses opposants. Le parti du Congrès reste en tête en termes de suffrages exprimés, mais il a souffert de nombreuses dissidences ainsi que du manque de charisme et de sens politique de son leader. Quant à la "troisième force", centrée sur le Janata Dal, elle n'a pas pu inclure le parti intouchable, le Bahujan Samaj Party, influent dans le Nord. Ces divisions ont aidé le BJP à remporter de nombreux sièges dans les Etats du Nord et de l'Ouest, tandis qu'il reste marginal dans la plupart des Etats du Sud et de l'Est.

Le BJP n'a pas renoncé à l'hindutva, thème éminemment xénophobe selon lequel l'identité indienne doit se résumer à la culture hindoue, mais sa propagande vise davantage la corruption du parti du Congrès, "la vente de l'Inde aux multinationales" dans le cadre de la libéralisation économique et les menaces que le gouvernement Rao fait peser sur l'unité nationale.

Seul ce dernier volet se rattache directement à l'idéologie nationaliste hindoue puisque le BJP dénonce pêle-mêle la pérennisation des droits coutumiers (dont la charia) aux dépens d'un code civil uniforme, l'entrée d'immigrés clandestins du Bengladesh et le laxisme du pouvoir envers les séparatistes cachemiris, eux aussi musulmans.

Au total, si le BJP a bénéficié d'une certaine banalisation du discours nationaliste hindou (dont témoigne un récent arrêt de la Cour suprême selon lequel faire campagne au nom de l'hindutva n'est pas répréhensible parce qu'il ne s'agit pas là d'un concept religieux mais d'un mode de vie national), le parti ne s'est pas présenté devant les électeurs au nom d'un hindouisme militant.

En fait, ce parti a surtout tiré profit d'une certaine désaffection du citoyen indien envers l'establishment politique liée à la corruption, voire à la criminalisation du politique. L'affaire de pots-de-vin, dévoilée en janvier, qui a conduit sept ministres du gouvernement Rao parmi les plus impliqués à démissionner, a finalement favorisé le BJP, bien que son président, L. K. Advani, ait aussi été mis en cause, ce qui l'a amené, lui, à renoncer à son siège de député.

Les classes moyennes urbaines semblent particulièrement sensibles au discours du BJP, mêlant fermeté nationaliste et intégrité morale. Comme les hautes castes des campagnes du Nord, elles apprécient aussi l'opposition du parti aux quotas que l'Etat récemment accordés aux basses castes dans la fonction publique : cette politique de discrimination positive y ampute leurs débouchés et renforce la conscience politique d'une plèbe jusqu'alors soumise.

Le BJP est donc autant apparu à ses électeurs comme un mouvement idéologique que comme un instrument de statu quo social et de changement politique. Mais peut-il être le pivot d'une coalition d'alternance?

A l'arrivée de la 3e Transat en double AG2R, samedi 11 mai, 1 heure et 25 minutes après les vainqueurs, Alain Gautier et Jimmy Pahun, Florence Arthaud est descendue sur le quai de Gustavia avec un ciré rouge. Une couleur éclatante, à l'image de son moral. "Nous ne sommes pas les premiers, mais il y a encore dix-sept spécialistes de la classe Figaro derrière nous", dit-elle en éclatant d'un rire sincère. Car Florence Arthaud sait qu'elle a réussi, une fois de plus, à faire taire les sceptiques.

Ceux-ci plaisantaient Jean Le Cam sur le choix de son équipière. Le meilleur spécialiste français de la course en solitaire sur monotype prenait un risque. Il faisait certes appel au formidable marin qui a tordu le cou à la plupart des préjugé machistes en 1990. Cette année-là, Florence Arthaud avait battu le record de la traversée de l'Atlantique en solitaire et remporté un triomphe sur la Route du Rhum.

Mais il y a un abîme de technologie entre les grands multicoques de 60 pieds, capables de relier l'Amérique à l'Europe en neuf jours, et les petits monocoques de 9,14 mètres. Florence Arthaud l'a bien compris quand elle a accepté l'offre de son vieil ami. Modestement, elle est retournée sur les bancs de l'école de voile. Aux côtés de tous les premiers de cette Transat, elle a suivi les cours théoriques et les régates d'entraînement du centre "Finistère course au large" de Port-la-Forêt.

Alain Gautier a été le premier à rendre hommage à cette adversaire qui lui vole un peu la vedette. "La reine des multicoques est entrée dans l'arène de la monotypie avec beaucoup d'abnégation et de volonté, a-t-il dit. La présence de Florence Arthaud au milieu d'un plateau de spécialistes montre que cette Transat a été la course la plus disputée de ces dix dernières années."

L'abus d'eau oxygénée l'a contrainte à couper ses cheveux, qui ont retrouvé leur brun naturel, mais elle se fait toujours appeler Blondie. Comme l'héroïne de la bande dessinée, mais elle est fascinée par Jean Harlow, la star de l'époque. Son Clark Gable s'appelle Johnny et se trouve en fâcheuse posture pour avoir dérobé les dollars qu'un gros bonnet noir a misé sur les tables d'un tripot tenu par un caïd. Pour le sauver, elle enlève, en pleine période électorale, la femme d'un homme politique. A la description du Kansas City des années 30, il manque un élément : le caïd est amateur de jazz. La politique, les sentiments, le cinéma, les gangsters, la musique, tout est en place. En place à la manière de Robert Altman, expert en constructions chorales et en récits éclatés.

Dans Kansas City, les personnages interviennent chacun leur tour, mais continuent d'agir ou de subir lorsqu'ils n'apparaissent pas à l'écran. Comme les musiciens de jazz, qui se lèvent tour à tour pour leur solo. Leur machinerie qui permet au film d'avancer est visible d'emblée, trop sans doute, au point de corseter intrigue et protagoniste, et, surtout, de souligner d'un trait épais tout ce qui mériterait d'être suggéré ou découvert progressivement. L'écueil est de taille, provoqué par une structure trop contraignante et, plus encore, la difficulté du cinéaste à se renouveler (si tant est qu'il le souhaite). Le film pourtant trace vaillamment sa route dans un monde nocturne, aux couleurs un peu éteintes, peuplé de personnages que Robert Altman renonce enfin à accabler - lui dont la condescendance ou le mépris étaient les caractéristiques des précédents films - et auxquels des acteurs manifestement très à leur affaire se chargent de prêter vie.

Ainsi de Jennifer Jason Leigh, dont le jeu peut parfois paraître insistant, en raison notamment d'une volonté de "marquer" le personnage par un accent, des tics d'élocution, des mimiques trop voyantes, et qui réussit malgré tout à donner beaucoup d'intensité à Blondie, petite employée de la Western Union peut-être pas très maline, mais dont la candeur est portée par une sincérité touchante. En se comportant comme une de ses héroïnes de cinéma, Blondie pénètre le monde pour elle inconnu de la politique et du gangstérisme - le film affirme sans guère de nuances que l'un et l'autre sont indissociables.

Face à Blondie, la femme du politicien se bourre de laudanum, paraît à la fois ne rien comprendre à ce qui lui arrive et ne pas vraiment s'en soucier, à mi-chemin entre résignation et certitude que rien de très grave ne peut lui arriver puisque son mariage l'a placée du bon côté de la société. Elle sait, elle, que Blondie est incapable de se servir de l'arme qu'elle tient comme Jean Harlow. Elle sait aussi qu'elle saura, elle, en user le moment venu. Le film le prouvera. Miranda Richardson donne à ce personnage qui doit le plus souvent paraître absent du monde une présence étonnante.

Haris Silajdzic s'est finalement lancé dans la bataille pour les élections en Bosnie, en annonçant récemment qu'il créait son propre parti, le Parti pour la Bosnie-Herzégovine (SBIH). Populaire, l'ancien premier ministre pourrait bouleverser l'équilibre instauré par les partis nationalistes. Ni le parti du président Izetbegovic (le SDA, Parti d'action démocratique), ni les partis d'opposition ne s'y sont d'ailleurs trompés : le mouvement de M. Silajdzic a les moyens de peser sur le scrutin, qui devrait se dérouler au plus tard en septembre prochain.

La bataille électorale est donc officieusement lancée. Le SDA, parti nationaliste musulman, mobilise ses troupes et explore ses thèmes de campagne. Sa première réunion publique s'est tenue le lendemain de la convention fondatrice du SBIH. Vingt mille personnes avaient été réunies à Zenica et ont écouté le discours d'Alija Izetbegovic. Quelques jours plus tard, le pouvoir organisait la première parade militaire de l'après-guerre, à Bihac, désirant démontrer que le SDA avait doté le peuple musulman d'une capacité de défense.

Ecrasée par la puissance du SDA, l'opposition ne s'est guère exprimée pendant le conflit, alors que toutes les énergies convergeaient vers la résistance aux séparatistes serbes et croates. L'opposition a désormais une double raison de se réveiller. La première est que les trois partis nationalistes menacent d'emporter à nouveau les élections, entérinant la division du pays en trois entités ethniques. La seconde est que Haris Silajdzic pourrait incarner seul l'alternative multiethnique, marginalisant encore les sociaux-démocrates, les libéraux et les républicains.

Les mouvements d'opposition et le nouveau parti de M. Silajdzic pourraient parvenir bientôt à un accord afin de constituer un"bloc national bosniaque" qui tentera de faire échec aux partis nationalistes. Le SBIH s'allierait alors au SDP (Parti Social-démocrate), aux Républicains indépendants, à l'UBSD (Union bosniaque social-démocrate), au Parti libéral et à d'autres formations microscopiques. Selim Beslagic, maire de Tuzla et président de l'USDB, a confirmé dimanche ce projet de coalition. L'éventuelle alliance ne serait pas officialisée avant l'ouverture de la campagne électorale, en juin ou en juillet. D'autres part, des problèmes subsistent encore sur la futur répartition des postes clés, en cas de victoire électorale.

Familier des retournements d'alliance, l'Afghanistan vient de vivre un rebondissement politique qui pour être spectaculaire en, ne renforcera guère le crédit des factions qui ont dévasté Kaboul depuis la chute du pouvoir communiste, en avril 1992. Les deux frères ennemis, Ahmed Shah Massoud, islamiste "modéré" d'ethnie tadjike, et Gulbuddin Hekmatyar, islamiste "radical" d'ethnie pachtoune, ont confirmé, lundi 13 mai, avoir conclu une alliance dirigée contre leurs adversaires communs, les ultratraditionalistes du mouvement des talibans (étudiants religieux) qui ont conquis la moitié sud du pays et campent aux portes de la capitale.

Le volet politique de l'accord prévoit que le Hezb-e-islami de M. Hekmatyar mettra la main sur les postes de premier ministre, de ministre de la défense et de ministre des finances. Quant au volet militaire, il met en place une aide réciproque contre les talibans. Le Hezb a d'ores et déjà annoncé qu'il enverra 12 000 hommes dans la capitale pour prêter main forte au régime du président Burhanudin Rabbani dont le chef militaire est M. Massoud.

Ce rapprochement illustre une nouvelle fois la volatilité de la scène polico-militaire. Car ce n'est pas la première fois que MM. Massoud et Hekmatyar joignent leurs forces après s'être combattus. En mars 1993, un accord avait été conclu afin de mettre fin aux affrontements qui avaient éclaté entre les deux factions rivales au lendemain de la chute du régime communiste.

Mais ce compromis, qui prévoyait - déjà! - de confier le poste de premier ministre à M. Hekmatyar, n'est jamais vraiment entré dans les faits. Il fut formellement proclamé caduc, au début de 1994, quand M. Hekmatyar s'alliait avec son ennemi de la veille, le chef des milices ouzbèkes ex-communistes, Rachid Dostom, pour se retourner contre M. Massoud. Un déluge de feu s'abattit sur Kaboul - qui avait été épargnée pendant toute la guerre contre les Soviétiques - et fit 25 000 morts.

Cette configuration ne survécut pas à la montée en puissance, à l'automne 1994, des talibans, qui prospérèrent dans les provinces méridionales pachtounes sur un profond sentiment d'exaspération des populations contre les moudjahidins rendus responsables de la ruine du pays. S'ils échouèrent à enlever la capitale, au printemps 1995, les "étudiants religieux" expulsaient néanmoins les forces M. Hekmatyar de leur quartier général de Charasyab, situé au sud de Kaboul.

Cette redistribution des cartes correspondait en réalité à un revirement stratégique du Pakistan qui se résigna à lâcher son traditionnel allié, M. Hekmatyar, impopulaire et jugé inefficace, pour tabler sur les talibans. Dès lors, le chef du Hezb n'avait guère d'autre option que de regagner le giron du régime de Kaboul s'il voulait survivre. Purement circonstancielle, cette alliance est toutefois éminemment fragile tant la suspicion reste vive entre les deux factions.

La nomination d'un "dur" à la tête de la police, quarante-huit heures avant le scrutin, et les attaques racistes contre le principal candidat de l'opposition, José Fransisco Pena Gomez, ont alourdi l'atmosphère en République dominicaine, où les électeurs doivent élire jeudi 16 mai le successeur du président Joaquin Balaguer, qui va fêter ses quatre-vingt-neuf ans.

Fidèle du président, le nouveau chef de la police, le général Enrique Perez y Perez, a été un des principaux responsables de la répression qui avait fait des milliers de morts dans les années 70. Lors de la guerre civile de 1965, peu après l'intervention militaire nord-américaine, il avait dirigé "l'opération nettoyage" contre les combattants constitutionnalistes.

Aux termes du Pacte pour la démocratie, un accord signé au cours de l'été 1994 pour résoudre la crise surgie des dernières élections présidentielles, le président Balaguer avait accepté de voir son septième mandat écourté de deux ans et de ne pas se représenter. Depuis plusieurs mois, ses partisans n'ont cessé de dénoncer le Pacte pour la démocratie, présenté comme le fruit de pressions extérieures, notamment des Etats-Unis et de réclamer son maintien au pouvoir.

Tout au long de la campagne, Joaquin Balaguer n'a soutenu que du bout des lèvres Jacinto Peynado, le candidat de son Parti réformateur (conservateur). Dimanche 12, lors du dernier grand meeting du Parti réformiste à Saint-Domingue, le président Balaguer n'a pas cité une seule fois le nom de Jacinto Peynado. Affirmant que "le destin de la République dominicaine était en jeu", il s'est lancé dans une péroraison anti-haïtienne visant le candidat social-démocrate José Fransisco Pena Gomez, un Noir accusé par la droite nationaliste d'être d'origine haïtienne.

Depuis plusieurs semaines, la question raciale a été au centre de la campagne électorale. Le jeune candidat du Parti de la libération dominicaine, Leonel Fernandez, en deuxième position selon les sondages, a relancé le débat en dénonçant la présence de "170 000 Haïtiens sur les listes électorales". Le conseil électoral a rejeté cette accusation, affirmant que les registres avaient été soigneusement "nettoyés".

Dans un rapport rédigé à la suite d'une récente visite en République dominicaine, un groupe d'observateurs dirigé par l'ex-président Jimmy Carter relève que le fait d'exclure du scrutin "des personnes paraissant être haïtiennes pourrait être discriminatoire et raciste". Parallèlement, l'armée vient d'être confiée à des inconditionnels du président Balaguer et son commandement au chef d'état major, le général Yvan Hernandez Oleaga, qui devient ministre des forces armées. Elle a lancé une série de rafles, particulièrement dans le centre et le nord de la République contre les Haïtiens en situation irrégulière. Plus de deux mille personnes ont déjà été reconduites à la frontière, parfois brutalement selon plusieurs organisations religieuses. Le gouvernement haïtien a réagi avec retenue, tout en déplorant que "même des Haïtiens en règle et des Dominicains d'origine haïtienne aient été victimes de ces opérations de rapatriement forcé".

La Finlande, les Etats baltes, la Pologne, auraient connu le même sort si le monde extérieur ne s'en était pas mêlé.

De même le communisme ne l'a emporté en Yougoslavie, en Albanie, en Chine, qu'à l'issue de féroces guerres civiles, celle qui s'est conclue par la victoire de Mao ayant duré plus de vingt ans. Dans les Etats baltes, la Pologne, la Hongrie, La Roumanie, la Bulgarie, l'ex-RDA, la Tchécoslovaquie, il a été imposé par l'occupant soviétique, et il s'est effondré en quelques semaines, en 1989, dès qu'il fut devenu clair que celui-ci ne recourrait plus à la force pour protéger sa sphère d'influence. De l'Indochine à l'Afrique australe, où les guerres de libération de plus d'une fois transformées en guerres civiles, il n'a progressé dans le tiers-monde que la kalachnikov et la bombe à la main.

Bien sûr, on a vu des communistes participer à des gouvernements de coalition issus de suffrage universel : ce fut le cas après la Libération dans plusieurs pays d'Europe occidentale, ainsi qu'en Finlande et, bien avant l'élection d'Allende, au Chili. Le PCF a fourni à Pierre Mauroy, en 1981, quatre de ses ministres. Feu le PCI, reconverti en Parti démocratique de la gauche, constitue l'aile marchante de cette coalition de L'Olivier qui vient de gagner les élections italiennes. Enfin, on compte sur les doigts d'une main les pays jadis "socialistes" où "ex" ou "post" communistes ne sont pas demeurés ou revenus aux affaires.

Mais voilà : ce sont précisément des "ex" ou des "post". En Italie, ils n'ont pas attendu l'éclatement de l'URSS pour donner dans le révisionnisme. Berlinguer ne faisait mystère ni de son refus d'étendre le champ des nationalisations. Il n'a pas hésité, au lendemain de la proclamation de l'état de guerre en Pologne, à déclarer que "la phase du développement du socialisme qui débuta avec la révolution d'octobre avait épuisé sa force motrice". Il n'en est pas moins significatif que le cabinet dans lequel les héritiers de Togliatti vont entrer pour la première fois depuis 1947 se donne pour objectif, aux compréhensibles applaudissement des finances publiques, le retour dans les SME et la monnaie unique.

Plus significatif encore est le comportement des "ex" et des "post" dans les pays que l'on appelait autrefois de l'Est. Pour commencer, ce sont tous des adeptes de l'économie de marché : la Pologne, par exemple, a un ministre des privatisation qui négocie la cession au groupe sud-coréen Daewoo des chantiers navals Lénine de Gdansk, rendus célèbres par Lech Walesa. De même, mis à part le cas de la Bulgarie, restée proche de sa grande sœur slave et orthodoxe, sont-ils tous favorables à l'adhésion non seulement à l'Union européenne mais, quelles que soient les objections du Kremlin à l'OTAN. C'est dire qu'ils n'en sont pas à prendre pour argent comptant les bonnes paroles que le camarade Ziouganov a prodiguées il y a quelques semaines à la fine fleur du capitalisme mondial réunie à Davos.

Jeremy se promène en jupe longue. Une position d'esthète. Il écrit des romans, se passionne pour la littérature hypertextuelle, se targue de connaître les bons vins de Californie et se félicite, à vingt-neuf ans, d'aimer son travail. "Je m'amuse," dit-il . Mais déjà lors de son arrivée, il y a sept ans, les anciens constataient que ce n'était plus "comme avant". Depuis, les qualités de l'environnement n'ont cessé de chuter. Les salaires ne sont plus ce qu'ils étaient et l'avance technologique s'est réduite. D'autres entreprises de la région ont une culture comparable : Silicon Graphics ou Sun. Jeremy pourrait accepter de travailler pour eux. Jamais pour IBM.

L'adresse d'Apple est à la hauteur du mythe, 1, Infinite Loop (boucle de l'Infini). Mais tout y montre la contradiction. D'un côté, grands bâtiments blancs dignes du troisième fabricant américain d'ordinateurs. De l'autre côté, circulation en patins à roulettes. Siège social nommé "campus", où T-shirts et shorts sont plus nombreux que les costumes croisés ou les tailleurs.

Vingt ans après, l'originalité profonde dont ont fait preuve Steve Jobs et Stephen Wozniac lorsqu'ils ont assemblé, dans un garage, le premier ordinateur personnel se réduit. Pour survivre dans une industrie très compétitive, l'évolution était nécessaire, estime Santiago Rodriguez, responsable des "affaires multiculturelles". "Nous sommes plus structurés, plus prévisibles, et c'est une bonne chose. La créativité, l'innovation et le manque de règles des premières années peuvent aussi constituer des faiblesses.". Comment les chevelus qui déambulent en patins à roulettes vivent-ils ce changement? Pas de problème, affirme M. Rodriguez : "La passion demeure. Plus qu'un emploi, nous avons un engagement personnel."

Il le dit sans fanfaronner mais il le dit : "Je suis probablement le photographe le plus payé dans le monde." Ni le plus connu, ni le meilleur, ni le plus original, ni le plus exotique, ni le plus spectaculaire, ni le plus scandaleux. Simplement celui qui gagne le plus d'argent. "Plusieurs millions de dollars par an", confesse ce grand gaillard au visage buriné et à la carrure de rugbyman.

Quel est le secret de Patrick Demarchelier? D'abord dans ses spécialités : la photo de mode et la publicité, deux domaines où l'argent ne manque pas. Mais il le reconnaît, "Je ne pense pas avoir inventé quelque chose. Bourdin, Avedon, Penn ont bien balisé ce terrain." Le public français a pu découvrir deux cents de ses images au Festival international de la mode, qui a fermé ses portes dimanche 12 mai à Biarritz. Il y a montré "des choses que j'aime bien", des nus, de la mode, des portraits, des femmes, "une peu de paysage". Des mannequins célèbres au grain de peau gris velouté, des images sages et jolies. Transparentes. Bien dans le ton de ses convictions : "Je suis changeant."

Alors? Alors il y a chez Demarchelier une capacité ahurissante à être heureux, ce qui rejaillit sur des images toujours glamour et optimistes, jamais dérangeantes. Ce qui plaît. "J'aime les femmes sexy, élégantes, saines et heureuses. Je suis là pour glorifier, pas pour détruire." Dès l'âge de dix-sept ans, il est dans le ton en retouchant au crayon ses clichés : "J'enlevais les boutons sur les visages de mes copains", il trouve ainsi ses premiers clients... Plus tard, quand la vogue est à la fille "qui fait la gueule", il montre "des filles en train de rire". Sinon, il travaille vite et son savoir-faire rassure. "Dans ce bar, je peux faire dix pages de magazine en une demi-journée", dit ce "bon professionnel", à qui on doit près d'un millier de couvertures de magazines...

Dans un communiqué diffusé mardi 13 mai dans la soirée, le FLNC-canal historique annonce la rupture au moins provisoire, de ses "discussions" avec le pouvoir. "A compter de ce jour, notre organisation cesse tout contact avec le gouvernement français", indique l'organisation clandestine, qui précise : "Un délai de quinze jours est donné à l'Etat français pour démontrer publiquement et sans ambiguïté, par des faits concrets, sa volonté de contribuer au processus de paix et au règlement politique de la question corse."

Ce durcissement semble moins lié à un choix politique de fond qu'à une réaction ponctuelle, due à l'intensification récente d'opérations de police dirigées contre des militants nationalistes. "Dans l'immédiat, et compte tenu des provocations policières et judiciaires, nous donnons l'ordre à nos militants de riposter par les armes à toute tentative d'arrestation", indique en effet le communiqué. Cette apparente déclaration de guerre aux forces de l'ordre chargées de contrôler la bonne application des règles de l'Etat de droit en Corse a autant pour but de dissuader les policiers tentés d'appliquer à la lettre leurs consignes de maintien de l'ordre que d'alerter Paris sur les conséquences de comportement zélés de la part de ses représentants. Ce comportement des nationalistes pourrait aussi favoriser le jeu de certains règlements de comptes sous couvert de "riposte". On peut ainsi se demander si les trois mitraillages commis dans la nuit de lundi à mardi contre des édifices publics ne sont pas une conséquence directe de ce communiqué.

Ce brutal durcissement du rapport de forces avec l'Etat apparaît contradictoire avec l'ensemble du "processus de paix" engagé le 12 janvier avec l'annonce d'une première trêve de trois mois, en signe de soutien à la politique du ministre de l'intérieur, Jean-Louis Debré. La trêve avait été reconduite pour six mois à compter du 12 avril. Le ministre de l'intérieur avait, dès janvier, annoncé l'élaboration de réformes sur les thèmes des institutions, de l'économie et de la culture. Un comité interministériel prévu pour le début du mois de juillet devrait permettre de présenter un projet de zone franche au bénéfice de l'ensemble de la région Corse.

Le revirement du FLNC-canal historique compromet-il, aussi radicalement qu'il le laisse entendre, le processus engagé? Rien n'est moins sûr. Le communiqué des clandestins semble avoir été rédigé par une partie seulement de la direction politique du mouvement, en réaction à une vague d'interpellations opérées par soixante-dix gendarmes lundi au petit matin en Balagne (nord-ouest de la Corse). Au cours de cette rafle, deux militants de A Cuncolta, la vitrine légale du FLNC-canal historique, ont été arrêtés dans le groupe des douze personnes interpellées. Ces deux militants pourraient être impliqués dans un trafic d'armes de guerre en provenance d'Italie. En fait, cette affaire aurait été révélée incidemment, au cours d'une enquête diligentée par les gendarmes chargés d'organiser des écoutes téléphoniques aux domiciles de trois personnes suspectées d'avoir commis un viol sur une jeune fille mineure en mars à Calvi. Grâce à ces écoutes, les enquêteurs auraient acquis la conviction de l'implication des trois présumés violeurs, notamment dans l'acheminement en Corse de pistolets mitrailleurs "mini-Uzi", de fabrication israélienne, à destination du FLNC-canal historique. L'interpellation des deux militants, réputés proches de l'un des dirigeants de A Cuncolta de la région de Blagne, aurait provoqué la vive réaction d'une partie de l'organisation clandestine.

Depuis son arrivée à Berlin, Mohamed Nasser Nasseri a appris à attendre. Il avait pourtant quitté l'Afghanistan "dans l'urgence" en 1992, après la chute du régime communiste dont il dit avoir été proche. En Allemagne, il a voulu bénéficier du statut de réfugié politique, mais sa demande a été rejetée au bout de quelques mois. Depuis quatre ans, cet ingénieur agronome, en partie formé dans l'ex-URSS, reste suspendu à la décision du tribunal qui étudie son recours en appel. Sa famille - quatre enfants, dont le dernier est né en Allemagne - loge dans un "foyer d'accueil", à Tempelhofer Ufer, un des cent quinze lieux d'accueil que compte la ville de Berlin.

Ces centres ont été ouverts dans une grande précipitation, au moment où les étrangers arrivaient par centaines de milliers en Allemagne. Baraques de chantier, immeubles désaffectés destinés d'abord à parer au plus pressé, ils sont devenus des lieux de séjour prolongé puisque les réfugiés n'ont souvent pas le droit de s'installer ailleurs. Géré par la Croix-Rouge allemande, le centre où vit Mohamed Nasser Nasseri est un immeuble du début du siècle, où se retrouve un peu toute la misère du monde : Afghans, Bosniaques, Croates, Libanais, Kurdes, Zaïrois, Angolais, Ghanéens, Sri-Lankais... En tout, quinze nationalités pour cent trente locataires.

Les candidats à l'asile politique reçoivent une aide sociale d'environ 1 300 marks (4 400 francs) pour une famille de quatre personnes. Le logement est gratuit et tout est fait pour garantir le minimum quotidien. "Nous devons offrir au moins 6 mètres carrés par personne", explique Izzeldin Nasso, le directeur du centre du quai de Tempelhofer. Pourtant, les familles nombreuses se serrent dans les deux ou trois pièces mises à leur disposition : un réfrigérateur, quelques lits, une armoire. La cuisine est commune à tout l'étage. Une quinzaine de personnes sont au service des résidents. Une grande pièce permet d'organiser des réunions, des fêtes et des offices religieux. Les enfants sont scolarisés dans les écoles du quartier et disposent d'une salle de jeux. En quelques mois, ils maîtrisent mieux l'allemand que leurs parents. "Je ne peux rien faire, je ne fais qu'être assisté", se plaint Mohamed Nasser Nasseri.

LES PARTENAIRES des Etats-Unis n'ont pas caché récemment leur irritation devant les tentatives faites par Washington pour les associer à l'extension des sanctions contre Cuba. Au point que Nicholas Burns, le porte-parole du département d'Etat, a dû s'efforcer de les apaiser la semaine dernière. "Nous cherchons à mettre une pression maximale sur le régime de Fidel Castro et nous voulons en minimiser l'impact pour nos alliés et nos partenaires commerciaux", a-t-il déclaré mercredi 8 mai.

La loi Helms-Burton, qui renforce l'embargo américain contre Cuba, prévoit cependant des sanctions contre les entreprises non américaines qui, selon le libellé du texte, "trafiquent" avec Cuba. Parmi ces sanctions, le refus d'octroi de visas américains. Disposition plus controversée, la loi établit un "droit civil privé" qui permet à tout citoyen (Américain d'origine ou naturalisé) de poursuivre aux Etats-Unis toute personne ou société exploitant des biens confisqués depuis la révolution cubaine.

Après avoir déclaré que la clause sur les visas pourrait connaître des exemptions, le département d'Etat a multiplié les déclarations se voulant rassurantes. Ainsi ne seraient passibles de sanctions que les investissements et les "trafics" postérieurs au 12 mars, date de la signature du texte par le président Bill Clinton. Les pays concernés, en particulier les Quinze, considèrent que le problème demeure entier et persistent à demander aux Etats-Unis de revoir leur texte. Le 22 avril, les ministres des affaires étrangères des Quinze ont adopté une déclaration menaçant les Etats-Unis de "mesures de rétorsion" en cas d'application de leur loi sur le renforcement du blocus de Cuba.

Ils avaient également mis en garde Washington contre la mise en place des mesures similaires pour ce qui est des relations avec l'Iran et la Libye.

C'est cette position que le ministre allemand des affaires étrangères, Klaus Kinkel, a confirmée, après avoir rencontré le secrétaire d'Etat américain Warren Christopher à Washington. Il a clairement menacé, jeudi 9 mai, les Etats-Unis de contre-mesures commerciales. "L'Union européenne doit réfléchir à des contre-mesures qui auraient (...) des effets négatifs sur les intérêts commerciaux et les investissements américains en Europe", a prévenu le chef de la diplomatie allemande. Selon M. Kinkel, l'application à la Libye et à l'Iran du régime des sanctions américaines à l'égard de Cuba prévues par la loi Helms-Burton "pèserait lourdement sur des décennies de développement des relations commerciales transatlantiques".

Le RPR a décidé de ne pas se plier aux échéances du calendrier fixé par François Bayrou, organisateur des états généraux de l'Université. Mardi 14 mai, le parti néogaulliste a levé le voile sur ses propositions de réforme. Pour l'heure, un projet d'une trentaine de pages a été préparé par un groupe de travail constitué autour de deux députés, Bruno Bourg-Broc, président de la commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, et Jean-Michel Dubernard, élu du Rhône, secrétaire national du RPR à l'éducation. Ce texte permettra de préparer le débat sur l'enseignement supérieur, prévu le 21 mai à l'Assemblée nationale. Il servira également de base de réflexion aux instances dirigeantes du RPR, qui rendront publique leur doctrine en la matière à l'issue d'une journée d'études, le 22 mai.

Les propositions de MM. Bourg-Broc et Dubernard s'inspirent directement des thèmes de la campagne présidentielle de Jacques Chirac, sur la réforme des premiers cycles, la création d'une filière technologique et d'un statut de l'étudiant. Mais leur projet plaide pour un vaste chamboulement de l'enseignement supérieur. Et il relance l'idée d'un référendum auquel le ministre de l'éducation nationale, François Bayrou, s'est toujours opposé.

Le réel empressement manifesté par le RPR s'explique au moins pour deux raisons. Ses dirigeants considèrent d'abord avoir une "dette" à l'égard des jeunes qui ont pris part à l'élection de Jacques Chirac. Ensuite, les auteurs de cette "contribution" affirment que le temps est venu de "sortir des réformes parcellaires et souvent inefficaces. La réforme doit être audacieuse pour être réaliste et véritablement suivie d'effet". Ils prennent soin d'ajouter qu'"une telle réforme demandera plus de courage politique que de moyens financiers supplémentaires". Dans cette perspective, estiment-ils, un référendum ne peut être que le moyen d'un profond bouleversement législatif, devant se traduire par une vaste loi-cadre suivie de lois définissant les missions de l'Université. Le référendum est "nécessaire", précise M. Dubernard, "pour montrer que la société souhaite une évolution de l'Université".

Il faut reconnaître ce mérite au gouvernement : dans le débat d'orientation budgétaire, organisé les 14 et 15 mai à l'Assemblée nationale, il a joué cartes sur tables, avec un souci de transparence inhabituel. Se refusant à annoncer par avance les mesures d'économies qu'il pourrait prendre, il a invité les députés à mesurer l'état de délabrement des comptes publics et à lui suggérer des solutions.

Ainsi a-t-il évoqué le dossier politiquement sensible des effectifs de la fonction publique, mais, plutôt que de régler, comme si souvent, la question budgétaire à la hache, il a voulu préparer les esprits à des choix douloureux. Dans tous les ministères, c'est d'ailleurs la formule en vogue : il faut faire de la pédagogie...

Pour juger de l'utilité de ce débat parlementaire, il n'y a pas de meilleur moyen que de prendre au mot le gouvernement : ce travail de pédagogie a-t-il été bien mené? A-t-il réellement préparé le terrain aux arbitrages socialement difficiles qui devront être rendus durant l'été, avant la présentation, à la mi-septembre, du projet de loi de finances pour 1997?

En fait, on peut en douter. Pour emporter la conviction de son auditoire, pour faire partager quelques solides évidences, même aux esprits les plus rétifs, il faut tenir un discours et n'en plus changer. Or celui de l'équipe au pouvoir n'a cessé de varier.

Il y eut d'abord le discours du candidat Chirac pendant la campagne présidentielle. "La feuille de paie n'est pas l'ennemie de l'emploi"répétait-il à l'envi. Sitôt l'élection passée, les fonctionnaires ont donc de bonnes raisons de penser qu'ils passeront entre les gouttes de la rigueur et qu'ils n'auront de sacrifices à faire, ni dans le domaine de leurs effectifs ni dans celui de leurs rémunérations. Durant l'été suivant, Alain Juppé leur en donne d'ailleurs confirmation, en refusant la baisse de 25 000 à 30 000 du nombre des fonctionnaires, demandée par le ministre des finances de l'époque, Alain Madelin. Le 5 septembre 1995, sur France 2, première inflexion : "Toutes les grandes entreprises [...] licencient, on pourrait imaginer qu'il en soit de même dans la fonction publique, nous avons fait un choix qui était de maintenir l'emploi dans la fonction publique", explique le chef de l'Etat. Les fonctionnaires comprennent alors que leurs rémunérations feront les frais de la nouvelle politique chiraquienne, mais - parole de président - pas leurs effectifs.

La lumière artificielle s'allume sur les dindes, entassées à dix par mètre carré. Croyant l'heure du coq venue, les joyeuses volailles vont se dégourdir les pattes, ce qui les aide à digérer... et à manger encore plus vite pour engraisser plus vite. Dans cette ferme-laboratoire située à Vannes (Morbihan), les experts du groupe d'alimentation animale Guyomarc'h Nutrition Animale (NA) n'ont qu'un objectif : mettre au point l'aliment qui permette de faire grossir les animaux au plus vite en les nourrissant le moins possible, afin de diminuer leur prix de revient.

Elevant volailles, lapins, porcs ou porcelets, les chercheurs pèsent la nourriture distribuée aux bêtes, surveillent leur croissance et récupèrent leurs excréments pour "pondre" la formule optimale. Car le temps où les animaux de la ferme trouvaient leur pitance dans les prés et les basses-cours est depuis longtemps révolu. Les lapins ne se contentent plus de luzerne, les cochons de pommes de terre et les poulets de grains de maïs. Leur ration est un composé d'une quinzaine d'ingrédients (blé, soja, son, tournesol...) auxquels s'ajoute un "prémix", savant mélange d'une vingtaine de vitamines, de minéraux et autres additifs.

Fort de son savoir-faire, Guyomarc'h NA est devenu leader en France de l'alimentation pour bétail aux côtés de Sanders (filiale du groupe public EMC) et de coopératives agricoles. Le groupe breton filiale à 100% de Paribas, produit 2,1 millions de tonnes d'aliments (10% du marché français) dans ving-trois usines. La société, qui réalise 56 millions de francs de résultat net pour un chiffre d'affaires de 3,9 milliards, sera introduite en Bourse avant l'été. Paribas vendra 30% environ de sa filiale, valorisée autour de 600 millions de francs, après s'être fait verser un superdividende de 150 millions de francs.

Sous l'égide de Paribas, le groupe Guyomarc'h s'est recentré sur son métier de base, mettant fin à sa logique d'intégration verticale : il a vendu en 1991 à Doux son activité d'abattage de poulets et s'est séparé en 1994 de ses activités d'aliments pour chien (Royal Canin) et Père Dodu (plats cuisinés, souvent à base de poulet), regroupés dans Sagal, lui aussi contrôlé par Paribas. La main d'œuvre permet de mieux valoriser les deux entreprises, Sagal et Guyomarc'h NA, dont chaque métier est rendu plus compréhensible pour les analystes boursiers.

Le métier de Guyomarc'h NA se veut d'une grande simplicité. Il vend de l'alimentation pour bétail dont il faut réduire le coût. "L'industrie de la nutrition est le premier client des producteurs de blé, avant la meunerie", explique Alain Decrop, PDG de Guyomarc'h NA. Un poulet est un poussin acheté 1 ou 2 francs, élevé en batterie et gavé pendant six à douze semaines. Un porc de 100 kilos, c'est un porcelet acheté entre 150 et 250 francs auquel on a fait ingérer 400 francs d'aliments avant de le revendre aux abattoirs près de 900 francs.

Trois types d'inconditionnels risquent d'être décontenancés par ce premier long métrage d'Al Pacino. Ceux de l'acteur, ceux des pollars, et ceux du grand William. La raison en est simple : Pacino s'y révèle sous un jour nouveau, et il ne s'agit pas plus d'un film policier que d'une fidèle adaptation du Richard III de Shakespeare.

En présence de quoi sommes-nous donc? Comme le titre l'indique : de la recherche de Richard. En d'autres termes, ceux-là même du réalisateur, "d'essayer de faire partager sa passion de Shakespeare", après avoir constaté que la réputation d'un des plus considérables dramaturges de tous les temps était inversement proportionnelle à la réelle connaissance de ses œuvres. Parmi celles-ci, Richard III, la pièce sa plus souvent mise en scène, ou l'histoire d'un homme qui se consume, et le monde avec, par sa soif de pouvoir. Pacino a incarné ce tortueux personnage au théâtre, il a également étudié la pièce, dans les années 70, avec des étudiants. Le projet de film se situe très exactement à cette lisière, entre jouissance de l'interprétation et nécessité pédagogique.

Pour ce faire, Pacino prend son temps. Il rassemble d'abord autour de lui un groupe d'amis acteurs, et pas les moindres, qui acceptent de se joindre au projet et d'y participer bénévolement entre deux tournages. Il finance ensuite en grande partie son film qu'il met deux ans à tourner. Last but not least, il conçoit une œuvre dans laquelle se chevauchent les styles et se téléscopent les genres.

Construit (intelligemment) à l'estomac, le film se déploie essentiellement sur deux fronts. Le premier concerne l'état de son propre avancement en tant que document. Le second est constitué par l'interprétation, dans la chronologie des scènes, de larges extraits de la pièce. Entre ces deux intrigues parallèles, d'incessants allers-retours, des effets de rupture ou de continuité, et de multiples passerelles. Parmi celles-ci, au chapitre "Enquête", du reportage à vif dans les rues de New York "Vous connaissez Shakespeare?" lance à brûle-pourpoint Pacino aux passants qui passent. Que la réponse la plus sensationnelle émane d'un clochard noir n'est pas anodin.

LE 30 JANVIER 1993, au Sénat, lors d'un colloque sur le thème du "peuple magistrat", Jacques Toubon, venu en spectateur, déclarait: "Ceux qui, comme moi, veulent défendre le jury doivent penser qu'il n'est pas infaillible et qu'il faut instituer un second degré de juridiction." Le propos n'était pas anodin, car on prêtait à M. Toubon, alors député RPR de Paris, l'intention de succéder à Michel Vauzelles, le garde des sceaux de l'époque. Malgré un passage au ministère de la culture, M. Toubon n' a pas perdu de temps. Son projet progresse tambour battant, même s'il a abandonné l'idée de créer un tribunal criminel composé de magistrats et d'échevins, ce qui constituait une curieuse façon de défendre le jury populaire. Avec les travaux du Haut Comité consultatif, présidé par Jean-François Deniau, le projet s'est nettement amélioré. Cependant, il comporte encore des aspects inquiétants. Quatre jurés devant le tribunal d'assises constituent un chiffre extrêmement faible. Si le rapport Deniau en proposait cinq, c'était déjà bien insuffisant pour permettre à ceux-ci de résister à l'influence incontestable des magistrats, qui parviennent, selon le propre aveu de certains d'entre eux, à emporter la décision même quand il y a neuf jurés. Une grande partie de cette influence se faisant pendant l'audience, la sténotypie des débats, proposée par le haut comité, limitait les dangers. Mais le dernier projet de M. Toubon ne retient l'enregistrement sonore que pour la cour d'assises. Rien ne permettra donc de contrôler "la loyauté des débats" en première instance.

Certes, il y a l'appel, mais l'effet modérateur de la sténotypie permettait d'en limiter le nombre. En cas de surcharge des cours d'assises statuant en appel, il est à craindre que se produise le phénomène observé en correctionnelle, où les magistrats ne cachent pas qu'ils condamnent plus sévèrement pour décourager les appels. Par ailleurs, la procédure de motivation des décisions fait frémir. Ainsi, sept personnes délibéreraient, la sentence serait prononcée sèchement et un seul magistrat rédigerait, a posteriori, une motivation qui ne serait communiquée que huit jours plus tard au condamné. Le fait que l'arrêt soit cosigné par le premier juré ne rassure pas. Ce compromis entre l'intime conviction et une décision raisonnée donne à la motivation des allures d'alibi juridique qui n'ont rien à voir avec l'idée première visant à donner un caractère rationnel au verdict.

JACQUES LAFLEUR et le gouvernement ont tenté de brusquer le processus de négociation pour l'avenir de la Nouvelle Calédonie. L'opération a tourné court et une nouvelle approche va devoir être trouvée.

Lors du référendum de 1988, les Français ont pris l'engagement que l'avenir institutionnel du territoire soit enfin fixé de façon irréversible en 1998. On parle beaucoup aujourd'hui du statut futur : Territoire ou Etat? Autonome ou indépendant? Selon quel mode d'association avec la France? Une perspective politique claire et stable est indispensable pour préparer l'avenir.

Mais un changement de statut n'est pas suffisant. Décoloniser ce pays n'est pas simplement affaire de symbolique ou de cadre institutionnel. C'est bien la réalité sociale, économique et politique qui, depuis bientôt vingt ans, y est en attente de réformes.

Les accords de Matignon ont redistribué les pouvoirs. La décentralisation provinciale a permis à des Kanaks de gérer les affaires publiques sur une partie du territoire. D'importants moyens ont été mis en œuvre pour "rééquilibrer" et "développer" le pays. Si beaucoup a été fait, aucun problème de fond n'a été réglé. Les déséquilibres majeurs subsistent; le développement reste une incantation qui ne se traduit guère dans la réalité.

Il est facile de désigner le coupable : le comportement d'assistés des Kanaks. Il est vrai que le changement exige l'initiative et la responsabilité. C'est ce que disait bien Michel Rocard en 1988 à Poindimié : "Vous aspirez à des responsabilités? Bravo! Mais il faut que vous soyez responsables (...). On n'achète pas la dignité avec des subventions."

La notion de divorce par consentement mutuel est en train de s'insinuer au cœur des Etats d'Europe, non pas entre conjoints mais entre régions. Un mouvement ouvertement séparatiste, la Ligue du Nord, a séduit près du tiers de l'électorat dans certaines zones de l'Italie septentrionale : en Vénétie mais aussi au Piémont, qui avait été le centre nerveux de l'unification italienne. Umberto Bossi, inspiration inclassable de la Ligue du Nord, en appelle depuis son score du 21 avril dernier à une séparation "à la tchécoslovaquie" entre ce qu'il nomme la "Padanie" - le bassin du Pô - et le reste de l'Italie. La raillerie, peu à peu, fait place à l'inquiétude : la nation italienne, constituée depuis moins d'un siècle et demi, serait-elle menacée?

Les pays européens, puzzles assemblés par l'Histoire, n'en sont pas à découvrir les tensions autonomistes ou séparatistes. Mais des phénomènes d'un type nouveau apparaissent ces derniers temps, et pas seulement dans des Etats récents. L'un des plus vieux d'Europe, la Confédération helvétique, parangon du respect des différences identitaires, connaît une intolérance croissante entre Alémaniques et Romands. Couvant depuis les référendums sur l'entrée de la Suisse dans les institutions européennes, qui avaient révélé une césure entre la Romandie pro-européenne et les cantons germanophones repliés sur l'identité suisse, les rancœurs se sont récemment cristallisées sur la décision de la Swissair de faire partir quinze vols internationaux de Zurich et non plus de Genève. Il n'en a pas fallu davantage pour que des Genevois indignés demandent que leur canton quitte la Confédération.

Cette incompatibilité d'humeur s'observe aussi en Belgique, où, depuis longtemps, Flamands et francophones se demandent ce qui les rassemble encore, ou en Allemagne, où le récent rejet par les électeurs de la proposition de fusion entre le Land de Brandenbourg et Berlin, projet économiquement rationnel, a surtout été le fait de "ceux de l'Est", qui ont trouvé là l'occasion d'exprimer leur méfiance persistante envers "ceux de l'Ouest". Mais elle n'épargne pas davantage les vieux Etats-nations.

En Espagne, l'étroitesse de la victoire électorale du Parti populaire de José Maria Aznar l'a obligé à négocier en position de faiblesse avec les élus nationalistes basques, canariens et surtout catalans. L'habile Jordi Pujol, président de la généralisation de Catalogne, a ainsi renforcé son emprise sur la politique nationale, tout en accroissant encore l'autonomie de sa région. En Grande-Bretagne, la sempiternelle affaire irlandaise a tendance à dissimuler une autre agiation nationale, celle des Ecossais, qui réclament une "dévolution", c'est-à-dire l'istauration d'un parlement local. Certains n'hésitent pas attribuer à une revanche écossaise le déclenchement de l'affaire de la "vache folle": les révélations sur la transmission possible de la maladie à l'homme ne viennent-elles pas d'un laboratoire de Glasgow?

Certains quartiers naguère familiers se rappellent à vous, parfois, comme un membre que vous auriez perdu. Les membres ne repoussent pas, mais ces quartiers vous attendent toujours pour quelque flânerie. Ce seront des pas tout en méandres, avec un peu de Modiano au coin du regard.

En marge de l'asphalte et de la pierre, quelques arbres demeurent comme de vivants repères, de ficelles bornes auprès desquelles vous vous plaisez à faire retour. Ils auront pris pour vous une épaisseur singulière, et, au détour d'un méandre, vous allez vous abîmer derechef dans leur petit mystère. Il y a ce chêne aérien, dans les jardins du Trocadéro, qui se déploie à partir d'un tronc court et incliné. Tenant de la peau d'éléphant, son écorce très brune contraste avec le vert tendre des feuilles. Vous aimez surtout cette façon qu'il a de se lancer vers le ciel en trois branches maîtresses. Un jour, cet oblique trio vous est apparu comme le pouce, l'index et le majeur, et l'arbre alors, au-dessus du tapis d'herbe, vous a fait l'effet d'une grande marionnette qui se perdait dans les hauteurs pour vous jouer la fraîcheur bruissante...

Vous poussez jusqu'à la porte de la Muette, et près de la place de Colombie vous constatez que s'éternise un immobile ballet entre le frêle et le prospère. Un souffreteux séquoia s'étire avec mal pour prendre le peu d'air que veut bien lui laisser un marronier magistral, d'une rondeur insolente, profuse à souhait. Le grand maigre s'étiole à côté de l'abondance faite arbre, et toute une vieille histoire de couple monte de cette souveraineté dévoratrice. A l'orée du bois de Boulogne, au bord du lac Inférieur, deux cèdres superbes continuent de régner sur leur fief, se dressant côte à côte à mi-pente. Ces jumeaux-là, c'est clair, nous chantent une autre histoire familiale. Avec leurs grands bras vissés au tronc, ils cultivent un âpre lyrisme. On se dit qu'ils font vraiment la paire, unis dans une même majesté au-dessus de l'eau dormante.

"Pourquoi les chefs d'entreprise demandent-ils la réforme du délit d'abus de biens sociaux qui a échoué au début de l'année avec la proposition de loi avortée de Pierre Mazeaud (RPR) organisent une prescription de six ans après que les actes répréhensibles ont été commis?

- Une histoire drôle : un anglais en visite à Rouen s'adresse à un habitant pour lui demander son chemin. Celui-ci le gifle et l'injurie. Sa victime qui lui demande raison de ce comportement aberrant, le Rouennais répond qu'il vient d'apprendre que les Anglais avaient brûlé Jeanne d'Arc dans sa ville natale... Toutes proportions gardées, le chef d'entreprise est en matière d'abus de biens sociaux dans la situation de l'Anglais.

La loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales définit cet abus comme un délit commis par des dirigeants qui, de mauvaise foi font des biens ou du crédit de leur société un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci. Pour que l'infraction soit constituée, il faut que cet acte soit commis à des fins personnelles. Il existe de nombreuses formes de ce délit: un président qui fait supporter à son entreprise les frais de remise en état de son domicile, l'utilisation abusive des véhicules de la société, la construction d'une piscine personnelle aux frais de l'entreprise, etc.

Malheureusement, la jurisprudence a élargi cette définition, née en 1953 de l'affaire Stavisky et qui avait pour but de protéger les actionnaires. Par touches successives, les tribunaux et la Cour de cassation ont retenu tant l'intérêt moral que l'intérêt matériel du PDG, puis ils ont estimé que l'abus est caractérisé lorsque le dirigeant cherche à "entretenir par des faveurs des relations avec des personnages influents" ou encore lorsque l'entrepreneur remet des fonds à un élu pour obtenir un marché.

La Cour a rendu le délit de facto imprescriptible en faisant débuter le délai de prescription triennale du jour où il a été constaté.

Enfin, les juges sont devenus de véritables "justiciers" et utilisent l'abus de biens sociaux, à défaut de pouvoir utiliser une autre arme, pour étendre leur champ d'investigation dans les entreprises. Ainsi, le chef d'entreprise peut être aujourd'hui poursuivi pénalement pour un acte qui remonte à plusieurs années et qui, à l'époque, n'était pas répréhensible à la lecture de la loi ou à la lumière de la jurisprudence.

- A quoi attribuez-vous le durcissement des juges?

Soyons objectif : il est vrai que certains dossiers traités autrefois par les juges ne débouchaient jamais; il est vrai que la justice ne bénéficie pas d'un budget florissant; il est vrai aussi que les juges ont besoin de temps pour mettre au jour des pratiques délictueuses, donc dissimulées. Mais, irrités par l'auto-amnistie du monde politique en 1990, ils entendent jouer les "chevaliers blancs" et pénétrer dans l'entreprise par le biais de l'abus des biens sociaux afin d'attraper les élus. Les entrepreneurs supportent mal l'abus des biens sociaux afin d'attraper les élus. Les entrepreneurs supportent mal d'être exposés à cette "surchauffe" pénale!"

Officiellement,télévision par satellite (TPS), deuxième bouquet numérique français regroupant TF1, la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion (CLT), France Télévision, M6 et La Lyonnaise des eaux, n'a pas encore choisi son décodeur numérique. Toutefois, on reconnaît que le décodeur de France Télécom, le Viaccess, "a le vent en poupe". D'abord rejeté presque unanimement par tous les membres de TPS, le Viaccess tiendrait aujourd'hui la corde face à ses rivaux, les boîtiers Irdeto, développé par le sud-africian NetHold, et Médiasat, conçu pour Canal Plus. Selon, TPS, le "choix définitif" du Viaccess, reste suspendu "aux discussions sur le calendrier d'intégration d'Open TV, moteur d'application mis au point par Thomson, et à l'élaboration du montage financier pour la commande des premiers décodeurs".

Le Viaccess aura pour vocation d'être "le décodeur unique" ou "le système le plus ouvert possible", que souhaite Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, en charge de la communication. De l'avis des spécialistes, la technologie du boîtier numérique développé par France Télécom permettra "d'inclure deux contrôles d'accès dans une même boîte". C'est-à-dire qu'avec ce seul décodeur, les abonnés pourront recevoir le bouquet de programmes de TPS et celui de son concurrent Canalsatellite, ainsi que les programmes d'AB Sat.

Mieux: l'adoption du Viaccess ne devrait pas obliger "Canal Plus à des développements techniques". Toutefois, TPS devra solliciter l'autorisation de Canal Plus et lui reverser près de 100 francs par décodeur. La télévision cryptée a déjà fait savoir qu'elle accordera des licences pour l'usage de son contrôle d'accès. Selon certains spécialistes, l'adoption du Viaccess couplé avec l'Open TV de Thomson demandera à la chaîne cryptée d'adapter son propre moteur d'application, baptisé Médiahighway, placés dans les décodeurs numériques, offrent aux abonnés l'interactivité.

A terme un kit complet - décodeur numérique et parabole double tête - pour recevoir TPS, Canalsatellite et AB Sat, devrait être proposé. Son prix devrait tourner alentours de 4 500 francs. Ce matériel intégrerait la DS Box (boîtier deux satellites), une technologie mise au point par la société Téléciel, qui est nécessaire pour capter des bouquets numériques retransmis via deux satellites.

Le groupe français Dourdin consultants est chargé d'imaginer la réorganisation des espaces muséaux groupés autour de la place Saint-Marc à Venise. Une entreprise aussi ambitieuse que la création du grand Louvre à Paris, chiffrée pour l'instant à quelque 700 millions de francs. L'idée d'une telle opération est née après les élections municipales de 1993, qui ont porté à la tête de la ville un nouveau maire, le philosophe Massimo Cacciari. De quel enjeu s'agit'il? "Comme on ne peut pas limiter le nombre des visiteurs qui entrent à Venise, il faut tâcher au moins d'en organiser le flux", répond Gianfranco Mossetto, adjoint au maire chargé de la culture. Faire en sorte que la marée humaine irrigue la totalité de Venise au lieu d'innonder exclusivement la place Saint-Marc et les abords du pont du Rialto. Rationaliser la visite des grands monuments groupés autour du Campanile. En effet, si 7 millions de visiteurs atteignent chaque année la Cité des doges, plus de 5 millions se bornent à parcourir la célèbre place, alors que 1,5 millions pénètrent dans la basilique ou dans le palais ducal, que moins de 300 000 se rendent aux galeries de l'Académie, le grand musée de la peinture vénitienne, et que 100 000 à peine visitent l'école San Rocco, haut lieu du Tintoret. Quant au Musée Correr et au Musée archéologique, pourtant ouverts sur la place elle-même, ils ne rassemblent respectivement que 52 000 et 15 000 curieux.

Pour résoudre ce problème de vases communicants, la municipalité a beaucoup consulté et réuni un comité scientifique international (avec notamment Michel Laclotte, du Louvre, Neil Mac Gregor, de la National Gallery de Londres, Nepi Scire, des galeries de l'Académie de Venise, Annamaria Petrioli Tofani, des Offices de Florence).Un cahier des charges est élaboré en janvier 1995. Selon ce dernier, le circuit des établissements bordant Saint-Marc doit être revu, la place devenant centre de communication et de redistribution pour l'ensemble de la ville. En juillet 1995, le cabinet Dourdin consultants (programmateur du Grand Louvre) est choisi sur concours, pour mettre en forme ces idées.

La première difficulté consiste à récupérer le terrain. Les bâtiments palatiaux en forme de U (Procuraties anciennes côté lagune, Procuraties neuves en face, reliant les deux, l'aile Napoléon) qui bordent la place Saint-Marc sont en grande partie occupés par des administrations et des sociétés privées: appartements de fonction, bureaux loués aux carabiniers, à l'Unesco, à la Croix-Rouge ou à différents services du ministère des biens culturels.